Légalité des aides régionales à la production cinématographique : une nécessaire clarification

Commentaire de la décision du Tribunal administratif de Lyon, 3 avril 2014, M. Etienne Tête, n° 1103969, inédit

Article paru dans le Lamy droit de l'immatériel de juillet 2014, page 31

 

L’organisation du financement rhônalpin de la production cinématographique connaît bien des tracas. La justice administrative vient en effet de remettre en cause pour la seconde fois le fondement même de ce mode de financement à savoir la convention conclue entre la région Rhône-Alpes et la société anonyme chargée de procéder au financement régional de la production cinématographique. Cette décision dépasse le simple cadre rhônalpin et pourrait entraîner une évolution de l’ensemble du financement cinématographique régional français.
La région Rhône-Alpes aime le cinéma mais pas comme tout le monde. Là où les autres régions ont pour pratique de financer la production cinématographique par le biais de subventions attribuées directement par la région ou par des établissements publics qui y sont rattachés, la région Rhône-Alpes confie, pour sa part, cette tâche à une structure de droit privé, à savoir une société anonyme, pour intervenir en tant que coproducteur des films aidés. La société Rhône-Alpes Cinéma (RAC), dont une partie du capital est détenue par la région, aide financièrement chaque année plusieurs œuvres cinématographiques. Cette aide n’est pas une simple subvention mais un investissement de coproduction qui permet à RAC d’être intéressé aux résultats des films aidés. C’est justement l’originalité de ce système qui pose problème au très procédurier conseiller régional Etienne Tête qui a donné son nom à plusieurs décisions importantes du droit administratif. M. Tête effectue donc un premier recours devant le Tribunal administratif de Lyon puis devant la Cour administrative d’appel de la même ville pour contester avec succès la délibération autorisant la signature de la convention de 2005 unissant la région et RAC. Les juges ont en effet considéré dans une décision du 21 avril 2010 qu’en confiant à une société anonyme la répartition des aides et la sélection des films bénéficiaires, la région avait méconnu sa compétence. Le commissaire du gouvernement notait ainsi que le principal problème reposait sur le fait que « ni la délibération en litige, ni la convention elle-même ne définissent de critères suffisamment précis pour l’attribution des aides ». Face à cette décision, la région et RAC ont conclu en 2011 une nouvelle convention couvrant la période 2011-2015. La convention reprend les observations de la Cour d’appel et de son commissaire du gouvernement en prévoyant que RAC doit prendre en compte un certain nombre de conditions pour attribuer une aide à un film. C’est cette convention qui a fait l’objet d’un nouveau recours de M. Tête qui continue à estimer que le nouveau système mis en place par la région continue malgré tout d’être illégal. M. Tête décide donc de saisir une nouvelle fois le Tribunal administratif de Lyon pour contester la décision de signer le contrat. M. Tête soulève plusieurs moyens de droit et fait notamment valoir qu’en concluant une nouvelle convention la région tente d’aller à l’encontre de la décision rendue par la Cour administrative d’appel de Lyon en 2010 et contreviendrait donc à l’autorité de la chose jugée. Il note également que l’attribution d’une subvention annuelle de 2 millions d’euros par la région à RAC constitue une aide d’Etat au sens du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) qui n’a pas été déclarée à la Commission comme l’impose le Traité et qui est, par conséquent, illégale. Il appartenait donc au Tribunal administratif de Lyon de se pencher sur la légalité de la nouvelle convention mise en place suite à la première annulation de la CAA de Lyon. Le Tribunal devait déterminer si les modifications mises en place par la région étaient suffisantes pour justifier un rejet de la requête de M. Tête.
Le Tribunal administratif de Lyon n’a pas eu à répondre au moyen fondé sur l’atteinte à l’autorité de la chose jugée. Le Tribunal a accueilli le recours de M. Tête en considérant que la subvention versée par la région à RAC était constitutive d’une aide d’Etat illégale faute d’avoir été déclarée à la Commission européenne préalablement à son versement comme l’impose l’article 108 du TFUE. En conséquence, la convention mettant en place le financement régional de la production cinématographique en Rhône-Alpes est une nouvelle fois remise en cause malgré les efforts de la région. Suite à cette nouvelle décision, on peut s’interroger sur l’avenir de cette structure originale de financement qui semble receler plusieurs facteurs d’illégalité. Dans cette situation, la région n’aurait-elle pas intérêt, pour plus de simplicité, à mettre en place une structure plus traditionnelle et par là même plus en phase avec les exigences imposées par la légalité administrative ?
Pour étudier cette décision et ses conséquences nous reviendrons dans un premier temps sur les justifications de l’annulation (I) avant d’anticiper, dans un second temps, les évolutions possibles du financement rhônalpin et, plus globalement, régional de la production cinématographique (II).

 

La suite dans le Lamy droit de l'immatériel de juillet 2014, page 31

 

Marc Le Roy

Docteur en droit

droitducinema.fr

 

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